La perte d’ensoleillement induite par une construction voisine : préjudice réparable ou inconvénient normal de voisinage ?

Chers auditeurs, Bonjour,

Je suis Angèle MAZARIN, Avocate au barreau de Toulouse, et j’exerce au sein de mon cabinet de Blagnac, principalement en droit de l’immobilier, de la construction et de l’urbanisme.

A travers cette chronique, au fil de la loi, je suis ravie de partager avec vous divers aspects du droit qui touchent à notre quotidien.

Aujourd’hui, nous allons parler du préjudice de perte d’ensoleillement induit par l’édification d’une construction sur la parcelle voisine.

Il est assez fréquent que l’on vienne me voir avec la crainte de nuisances futures générées par un projet de construction voisin, et notamment le risque de perte d’ensoleillement créée par la hauteur du bâtiment projeté.

Il faut savoir en 1er lieu, que le droit de l’urbanisme et le droit de propriété de nature civile ne se confondent pas. Ainsi, même si une construction respecte les règles d’urbanisme, elle est susceptible de générer des troubles pour le voisinage, qui sont réparables sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage. Il s’agit d’une théorie de nature prétorienne, c’est-à-dire qu’elle est née de la pratique et résulte des décisions de justice. Elle est désormais codifiée à l’article 1253 du code civil dont le premier alinéa prévoit :

« Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte »

Il s’agit d’une responsabilité de plein droit c’est-à-dire que la personne qui s’estime victime n’a pas à démontrer l’existence d’une faute de l’auteur du trouble. Il lui suffit de démontrer le caractère anormal du trouble et donc que les nuisances subies excèdent les inconvénients normaux de voisinage, ces inconvénients étant appréciés différemment selon l’emplacement géographique.

En matière de bruit, l’exemple le plus connu est celui du chant du coq qui est considéré par la jurisprudence comme anormal en milieu urbain mais normal en milieu rural.

En matière de perte d’ensoleillement et de vue, plusieurs critères vont être pris en compte pour juger de l’anormalité du trouble.

En premier lieu il convient de démontrer une perte réelle d’ensoleillement induite par le projet voisin. Pour quantifier la perte, les plaignants ont régulièrement recours à une expertise de perte d’ensoleillement, pratiquée par des experts en bâtiments ou des architectes. Une fois la perte d’ensoleillement établie et quantifiée, ou la perte de vue attestée, il faudra démontrer au juge l’anormalité de la nuisance au regard de l’environnement préexistant. Et c’est là que les caractères de la zone d’implantation du projet entrent en compte. Alors que le propriétaire d’une maison en zone rurale, bénéficiant d’une vue dégagée (sur les coteaux, la montagne ou la mer par exemple) et d’un bon ensoleillement obtiendra une indemnisation du trouble subi, le propriétaire d’une maison en zone urbaine n’aura certainement droit à rien. Les juges considèrent en effet que l’ensoleillement ou la vue dégagée ne sont pas des droits acquis pour les propriétaires en ville ; l’inverse reviendrait à rendre impossible toute extension du tissu urbain.

Alors, si l’on estime subir une perte d’ensoleillement préjudiciable,  quelle procédure mettre en œuvre ?

Depuis le décret du 11 mai 2023 entré en vigueur le 1er octobre 2023, les actions en indemnisation fondées sur les troubles anormaux de voisinage ne peuvent être intentées que si elles ont été précédées d’une tentative de règlement amiable, c’est-à-dire une conciliation ou une médiation. Il faut donc provoquer une conciliation avant de saisir le tribunal.

En pratique, vous pouvez vous rendre à la mairie de votre commune qui vous orientera vers un conciliateur de justice. Celui-ci, après vous avoir entendu, convoquera la partie adverse à une première réunion de tentative de conciliation.

Malheureusement, dans la majorité des cas, la conciliation n’aboutit pas, soit parce que la partie adverse ne se présente pas, soit parce que les parties ne parviennent pas à trouver un accord. Le conciliateur dresse alors un procès-verbal de carence, qu’il remet au demandeur. Ce procès-verbal est essentiel puisqu’il conditionne la recevabilité de l’action future.

Le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble peut ensuite être saisi, aux fins de reconnaissance du trouble anormal du voisinage et indemnisation du préjudice, voire de démolition de la construction. En effet, il est possible d’obtenir la démolition d’une construction et ce, même si les règles d’urbanisme ont été respectées c’est-à-dire si la construction est conforme au permis de construire. Je rappelle ici que le permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers, illustration de l’indépendance des droits de l’urbanisme et de la propriété privée.

A titre d’exemple, la cour de cassation a pu considérer qu’une construction nouvelle, même édifiée conformément à un permis de construire légal, peut causer un trouble anormal du voisinage. La caractérisation du trouble anormal du voisinage n’implique ni l’appréciation de la légalité du permis ni l’existence d’une faute commise par le constructeur. La demande en démolition fondée sur la responsabilité pour trouble anormal du voisinage est indépendante de celle prévue par l’article L 480-13 du Code de l’urbanisme, qui vise la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes publiques.

J’espère que cette chronique aura répondu à vos interrogations sur le sujet ; vous pouvez me poser vos questions via le formulaire de contact de mon site internet https://www.mazarin.avocat.fr/ ou en me téléphonant au 05.82.95.29.10.

Je vous souhaite de passer une excellente journée et vous dis à la semaine prochaine pour une nouvelle chronique au fil de la loi !

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